Les filles sont-elles moins bonnes en math que les garçons ?
Quelle fille ne s’est-elle pas posé cette question quand elle a reçu un résultat de math en dessous de ses attentes ? Sont-elles vraiment nulles en math?
Plusieurs recherches ont vu le jour pour tenter de répondre à ce sujet ainsi que de nombreuses études statistiques.
En 1974, The Psychology of Sex Differences, un livre publié par Maccoby E. E., & Jacklin, tendait à démontrer que les filles et les femmes témoignaient d’une meilleure aptitude verbale tandis que les garçons et les hommes réussissaient mieux aux tests visuo-spatial et mathématiques.
Mais il ne s’agissait pas d’une supériorité génétique à proprement parler. Il semblait que les résultats des garçons lors des examens de math étaient en moyenne meilleurs que ceux des filles.
Il convient de ne pas oublier que nous étions juste aux tout début des premiers courants féministes visant à obtenir une certaine forme d’égalité de traitement pour les hommes et les femmes.
Historiquement, la femme a souvent été mise à part, que cela soit de la vie professionnelle ou des processus décisionnels. Donc si les filles n’étaient en majorité pas destinées à rentrer dans la vie professionnelle, leurs résultats scolaires n’étaient pas une priorité.
Dès lors, comment demander à une personne de mettre la même passion dans une activité alors qu’elle sait que cela n’aura au final que peu d’importance ?
L’enseignement était lui aussi centré sur des méthodes d’apprentissages plutôt masculine. Mais les psychologues commençaient à se rendre compte que les capacités de raisonnement des femmes n’étaient pas moins bonnes mais juste différentes de celles des garçons.
L’ OCDE (l’organisation pour la coopération et le développement économique), notamment responsable de l’étude PISA a publié des résultats qui peuvent sembler confirmer cette théorie :
- D’une manière générale les résultats moyens des garçons âgés de 15 ans testés sont meilleurs que ceux des filles.
- Parmi les plus hauts scores réalisés ne figurent pratiquement que des garçons.
Faut-il donc en conclure que cette affirmation est vérifiée ?
Comme nous allons le voir, la réalité est quelque peu plus complexe.
La réalité génétique de l’apprentissage des maths
Si l’on peut affirmer que la plupart des différences sont physiques et parfois psychiques notamment lors de l’adolescence, il a pour l’heure été impossible de prouver que l’un sexe ou l’autre présente des prédispositions génétiques pour certaines matières à l’école.
Mais dès lors pourquoi les garçons obtiennent souvent des meilleurs résultats que les filles ? Existe-t-il une logique masculine plus apte que la logique féminine à exceller en mathématiques ?
Les garçons fournissent-t-ils plus d’efforts que les filles de leur âge dans un contexte purement scolaire ?

Il a pour l’heure été impossible de prouver que l’un sexe ou l’autre présente des prédispositions génétiques pour certaines matières à l’école
Lorsque que l’on analyse plus en détail ces performances, il ressort que plusieurs facteurs liés à l’éducation et à la société entrent en jeu. Il est bien clair que même si l’on apporte le même amour à élever nos enfants, les valeurs que l’on va tenter de leur inculquer à tort ou à raison ne sont pas parfaitement identiques.
Dans les années 20 plusieurs études ont été conduites pour déterminer si les personnes de couleur avaient moins de facultés cognitives que les blancs. Ceci peut prêter à sourire certes jaune, tant cela peut sembler dénué de sens à notre époque.
Dans l’armée américaine, des tests d’aptitudes ont été conduits et les jeunes blancs caracolaient en tête des résultats. Dès lors, un seul résultat s’imposait comme une vérité implacable : c’était donc vrai… les élèves noirs ont plus de difficultés scolaires.
Fort heureusement, des personnes se montrées un peu plus curieuses et en observant mieux le choix de l’échantillonnage elles sont arrivées à une conclusion surprenante :
La majorité des jeunes afro-américains choisis pour cette enquête étaient issus de milieu très défavorisés.
Ils avaient, parfois pour des raisons inhérentes à leur vie compliquée, dû abandonner leurs études et n’avaient évidemment pas accès à la même éducation que d’autres élèves plus aisés.
Comment pouvoir comparer un jeune qui vit dans une grande précarité, qui doit péniblement se débrouiller seul avec ses devoirs, qui souffre parfois même de discrimination et qui doit parfois travailler pour aider ses parents pour boucler les dernières factures et son homologue blanc issu de quartiers aisés, qui bénéficie de l’aide de professeurs à domicile, qui va dans une école prestigieuse et qui ne doit se concentrer que sur sa vie d’enfant ?
L’aspect environnemental est déterminant dans ce genre d’études et ceci a été, dans un premier temps, complètement négligé.
La manière d’étudier diffère selon les sexes
Les garçons ont plus tendance à tout remettre en question, que cela soit pour des raisons de discipline ou de règles à suivre.
Les filles, quant à elles, ont plutôt tendance à respecter les consignes, faire leurs devoirs régulièrement et finalement obtenir de meilleurs résultats globaux que les garçons.
Cependant, une des caractéristiques indispensables à la recherche scientifique est cette perpétuelle remise en question des règles établies. Dans ce registre-ci l’attitude souvent contestataire des garçons s’inscrit mieux dans ce type de démarche ou de questionnement scientifique.
Les chercheurs ont baptisé ceci « habilité à penser » comme un scientifique.
Cela ne veut pas dire pour autant que les filles sont incapables de penser comme un scientifique, mais que les statistiques démontrent un manque de confiance en elles dans le domaine des mathématiques notamment.
Influence de la société
Les stéréotypes sont encore bien ancrés en chacun de nous. Selon le résultat d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 5 032 personnes adultes en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en France et en Italie par l’institut français OpinionWay pour la fondation L’Oréal, 67%, soit près de sept européens sur dix, considèrent que les femmes n’ont pas les capacités pour « devenir des scientifiques de haut niveau ».
Les stéréotypes sont bien ancrés dans la société et sont définis depuis l'enfance
Il est encore plus étonnant de constater que ce sont les Allemands qui sont pourtant présidés par Angela Merkel, ancienne chercheuse et physicienne, sont les plus nombreux (71%) à penser que les femmes n’ont pas la capacité d’atteindre un haut niveau en science.
Plusieurs recherches, dont celle de Judith E. Owen Blakemore et Renee E. Centers de la Indiana University-Purdue University Fort Wayne, se sont penchées notamment sur les premiers jouets que nous mettons dans les mains de nos enfants :
- Des poupées pour les filles
- Un kit de bricolage pour les garçons
Dès lors on enferme les filles dans un carcan en pensant naïvement que ces dernières ne s’amuseront pas avec le même plaisir en utilisant des jouets « de garçon ».
Les garçons sont donc confrontés à l’expérimentation et à l’échec dès leur plus jeune âge. Ce qui va leur permettre de relativiser les conséquences de cet échec pour faire d’autres tentatives.
Il ressort que les filles gèrent beaucoup plus mal cette notion d’échec relatif et ont tendance à se dévaloriser alors qu’elles ont autant le droit que les garçons de se tromper.
Pourtant les résultats du baccalauréat ne montrent pas une telle différence, parfois même les résultats des filles surpassent celui des garçons.
Faut-il en conclure que les différences ont été gommées ?
Nous en sommes bien loin, car de simples résultats d’un examen ne peuvent pas évaluer avec précision les qualités intrinsèques des deux sexes. En effet, il n’est pas tenu compte de la préparation et du nombre d’heures passées à préparer l’examen.
Existe-t-il un avantage pour les garçons au départ que les filles ont compensé par plus de travail ?
Les questions de l’examen sont davantage axées sur l’apprentissage de notions et non pas sur d’exhaustives capacités de raisonnement ?
L’enseignement dispensé était-il neutre et non pas orienté vers un genre ou l’autre ?
La société dans laquelle les enfants ont été élevés est-elle égalitaire ou truffée de préjugés ?
Une égalité des sexes dans l’enseignement
Margrét Pála présente ses idées sur l'éducation des jeunes enfants basées sur le renforcement de chaque sexe dans des domaines spécifiques
Un des pays pionniers dans cette égalité des sexes est l’Islande. D’ailleurs Margret Pála Olafsdottir, dans son livre Kids are both girls and boys (les enfants sont à la fois des filles et des garçons), montre que le gouvernement fait participer les garçons à des activités plutôt dévolues au filles et encourage les filles à agir comme des garçons.
Il en ressort qu’à l’adolescence les stéréotypes des genres est bien moins ancrée que dans d’autres cultures.
A contrario, il faut également dénoter une certaine forme d’effet pygmalion dans notre société.
Même si la tendance à l’égalité des sexes est en bonne voie, certains comportements ou attitudes même inconscients peuvent amener les filles à se sentir désécurisées face à des problèmes de math.
Cet effet est encore plus exacerbé lors de l’adolescence, moment où l’enfant cherche à se définir en tant qu’individu.
Pourquoi existe-t-il plus de scientifiques masculins célèbres que de femmes ?
La réponse est en fait assez simple. A une certaine époque, seuls les hommes avaient réellement accès à une éducation supérieure, il était ainsi difficile de pouvoir prétendre à des découvertes scientifiques majeures avec un bagage moindre.
Est-ce différent aujourd’hui ?
Les études se sont démocratisées et les femmes ont accès aux mêmes études que les hommes.
Pourtant, depuis de nombreuses années, on déplore le nombre trop faible de filles dans les écoles polytechniques, dans les écoles d’ingénieur, dans les filières scientifiques dites dures ou dans les laboratoires. Et la situation n’évolue que très peu.
Une enquête effectuée par le BCG (Boston Consulting Group) montre ainsi qu’entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, on est passé de 26 % de femmes parmi les chercheurs dans les grandes nations occidentales, à seulement 29 %.
Le nombre rare de modèles féminins a aussi peut-être tendance à décourager certaines filles à se lancer dans des études scientifiques. Pourtant, il en existe :
Une des femmes de sciences les plus célèbres est Marie Curie. Elle est d’ailleurs la première femme à avoir reçu le prix Nobel, une des plus grandes distinctions scientifiques.
Marie Curie a été la première femme à recevoir le prix Nobel
Les représentations culturelles, les schémas introduits dès l’enfance selon lesquels les sciences sont une affaire d’homme sont autant de problèmes qui découragent souvent les femmes à entreprendre une carrière scientifique. « Cela traduit également un manque de confiance en soi », souligne la lauréate américaine Laurie Glimcher, l’une des lauréates 2014 du prix L’Oréal-Unesco et première femme à occuper le poste de doyenne d’une faculté de médecine à New York.
C’est un phénomène créé artificiellement par notre société qui a et aura encore de nombreuses années une influence notoire sur les mentalités des générations futures.
Existe-t-il une différence génétique au niveau de l’apprentissage des mathématiques ?
La seule différence notable repérée à l’heure actuelle est une meilleure représentation spatiale chez les garçons dès leur plus jeune âge. Il est cependant difficile de prouver que cela vient d’un facteur génétique et non pas d’une influence de la société. Il a également été prouvé que cette capacité à appréhender l’espace peut également être entraînée pour ainsi réduire considérablement un tel écart.
Pour preuve, une étude menée à l’université Johns Hopkins aux Etats Unis en 2005 tend à infirmer cette théorie :
Un groupe de garçon et de filles ont effectué une même activité de géométrie. Cette dernière a été nommée « géométrie » pour les garçons et « dessin » pour les filles. Il ressort qu’au final les filles ont obtenu de meilleurs résultats que les garçons et que ce serait peut-être l’idée de faire des math qui pourrait les bloquer.
Nous constatons donc que de différencier une approche de telle ou telle activité mathématique peut avoir une influence significative sur les résultats. Il n’est pas exclu de penser qu’une adaptation de l’enseignement voire une manière de procéder moins ancrée dans un stéréotype pourrait aide les filles à obtenir des meilleurs résultats.
Donc finalement, comment pouvoir déterminer que les genres ont une quelconque influence sur des apprentissages si les études menées n’ont pas tenu compte de tous les paramètres ?
Et vous ? Pensez-vous que les filles soient moins bonnes en science que les garçons ? N’hésitez pas à nous donner votre point de vue dans les commentaires ci-dessous.
4 réponses
Très intéressant article qui souligne le véritable défi des systèmes éducatifs. Au-delà du débat d’aptitude pour les maths entre les filles et les garçons, cet article me semble bien illustrer la nécessité de changement du système éducatif ainsi que dans ses méthodes d’enseignement. Ces derniers, dans le passé étaient éventuellement élaborés « par et pour » une société qui ne donnaient pas les mêmes opportunités de développement aux femmes qu’aux hommes. A l’image de ce que Ken Robinson soutient depuis des années, l’école doit changer! Elle doit s’adapter aux enfants, filles et garçons, d’aujourd’hui pour qu’ils puissent être à la hauteur des défis de demain, á l’aube d’un monde qui risque d’être géré par de l’intelligence artificielle…
Excellente remarque. Effectivement, il faut vraiment que le système éducatif fasse une réforme profonde afin de s’adapter à son temps. Mais pour cela, il faudrait vraiment un changement radical dans les mentalités.
Excellent article! Bien sûr que nous avons les mêmes capacité le genre est imposé et stigmatisé par la société.
Nous n’en doutons pas ;). Mais il y a encore du chemin à faire pour changer les mentalités.